Toutes les femmes de sa vie, en elle réunies

Publié le 23 Mars 2012

( Critique négative du spectacle « Se Trouver » de Luigi Pirandello, mise en scène de Stanislas Nordey ; faite dans le cadre d'un cours )

 

 


 

 Toutes les femmes de sa vie, en elle réunies

 

 

Capture d’écran 2012-02-13 à 19.40.27

 

 

Telle les L5 à une sombre époque, Emmanuelle Béart, dirigée par Stanislas Nordey, interprète actuellement sur la scène du Théâtre National de Bretagne de Rennes une comédienne du nom de Donata Genzi pour qui « le théâtre donne la possibilité de ne pas être une seule mais toutes les femmes, qu'on a toutes ces femmes en soi et que la force du théâtre c'est de permettre cette chose là », d'où le rapprochement, un peu douteux je vous l'accorde, fait entre les deux.

Le ton est donné.

 

 


 

Perdue devant Se Trouver
Ce texte, de Luigi Pirandello, traduit par Jean-Paul Manganaro, et mis en scène par l'emblème théâtral Rennais actuel : Stanislas Nordey, se paye en plus le luxe d'avoir comme comédienne Emmanuelle Béart. L'histoire, simple en soi mais racontée de manière tarabiscotée, enfonce le couteau dans la plaie de notre compréhension, en confectionnant mise en abyme sur mise en abyme. Résultat : le spectateur reste quelque peu pantois devant un texte rude qui ne facilite pas l'assimilation. Je vais emprunter les termes de Pirandello lui même pour tenter de vous faire ressentir l'étendu de mon désarroi : « [ c'est ] une femme qui est comédienne et qui veut être femme ; et comme femme elle ne se retrouve pas et risque de ne plus se trouver comme comédienne ; et puis elle se retrouve comédienne, mais elle ne retrouve plus l'homme qui l'a fait aussi être femme... ». Alors, vous voyez bien que je ne vous ai pas menti, tarabiscotée était bien le mot adéquat, n'est ce pas ? Pour quelqu'un qui dit ne « jamais avoir eu le désir de parler de théâtre au théâtre » Stanislas Nordey a peut être eu les yeux plus gros que le ventre. Rajoutez à cela de trop longs monologues, l'absence notable d'échanges de regards entre les acteurs, et on ne sait plus qui parle à qui et pour dire quoi.

 

Gosse de riche
Néanmoins ce n'aurait pas été plus compliqué à comprendre qu'un bon vieux Racine, si la mise en scène avait pu nous faciliter la tâche. Cette dernière, illustration type de l'élite du théâtre bourgeois actuel, n'impressionne que par son immensité. On s'attarde plus à se demander combien tout cela a-t-il bien pu coûter que sur les réels effets de mise en scène créés ; qui sont d'ailleurs quasi inexistants si on ôte le spectaculaire. C'est du grandiose au rabais, un ballet d'énormes blocs de cartons, visuellement attractifs, artistiquement muets. L'image la plus représentative de cela est celle d'une Emmanuelle Béart qui lutte à faire valser son propre bloc, tout cela patauge. C'est si facile de demander aux deux protagonistes de faire bouger le décor à vue. Contrairement à des spectacles, qui ont inéluctablement moins de moyens, mais qui montrent un réel travail de recherche d'effets. Je pense ici à une pièce de Joël Pommerat, Cercles / Fictions, qui convoquait les cinq sens et dont le travail de lumière était bien autre chose que celui ''néonisé'' de Se Trouver, qui nous abime les yeux en plus de nous rester en tête. De plus, on en a ras la casquette de chantier de voir encore et toujours des personnages coquets, évoluants dans des palais pantagruéliques somptueux de luxuriance,... A l'heure où les 99% se lèvent, où sont les petites gens au théâtre ? En plus de tout cela, Stanislas Nordey ne daigne pas utiliser tout l'espace qui lui est offert, quand certains se damneraient pour 1m² de plateau où s'exprimer.

 

Stanislas Nordey le dit lui même : c'est un « spectacle à suspense [...] bouleversant car beaucoup de questions restent sans réponses mais [ Pirandello ] pose les questions magnifiquement et parle à chacun » oui, mais qui, lui aussi, ne trouve malheureusement ni son dénouement, ni son spectateur.

 

 


 

Sources :
« La lumière et la grâce d'Emmanuelle Béart » de Jean-François Picaut ( site Les Trois Coups )
Conversation croisée avec Stanislas Nordey, metteur en scène, et Jean-Paul Manganaro, traducteur
Le flyer distribué avant la représentation
L'Histoire du Théâtre dessinée, d'André Degaine

 

 


 

« Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d’œuvre. »

 


Rédigé par On-s'tient-au-Juh

Publié dans #Critique ( théâtre - musique - cinéma -... )

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Commenter cet article
Q
<br /> C'est quand impressionant de voir quelle différence de ton il y a entre les deux critiques, ça fait sourire! Et ton avis propore à toi même de ton fort intérieur d'un point de vue subjectif à ton<br /> expérience?<br />
Répondre
J
<br /> <br /> Alors mon avis de moi complètement sur cette pièce, c'est un doux mélange entre les deux critiques. Il y a des trucs que j'ai vraiment bien aimé, comme les décors, la mise en scène, etc... Et<br /> surtout le thème. Je trouve que c'est super intéressant comme sujet, le théâtre dans le théâtre, c'est quelque chose qui me touche particulièrement du fait d'avoir fait du théâtre. :) Et puis<br /> sinon j'ai trouvé ça quand même un peu chiant, et loooong... Enfin c'est des textes " classiques " assez âgés quoi, donc avec un niveau de language plus élevé que celui qu'on est habitué à<br /> utiliser, et du coup au bout de 2h30 voilà quoi --' Mais bon pièce agréable quand même à voir hein, et pas à " gerber " comme disait ton pote :)<br /> <br /> <br /> <br />